Parlons de l’enseignement de l’histoire et de la géographie de la Martinique !
Avec les déboulonnages et destructions récents, on aura jamais autant parlé d’histoire et d’enseignement de l’histoire en Martinique. Entre mythe et réalité, qu’en-est-il réellement ?
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours entendu des critiques de l’enseignement de l’histoire de la Martinique. En radio, en TV, sur les réseaux sociaux, des réactions telles que « on ne nous apprend pas notre histoire » sont nombreuses.
Encore récemment lors d’un cénacle organisé sur le rapport entre l’histoire et les mémoires, par la ville de Fort-de-France, une intervenante a voulu démontrer que l’histoire enseignée était incomplète voire fausse.
En tant que professeure agrégée d’histoire-géographie et présidente de l’association Oliwon Lakarayib, j’aimerais faire un point là-dessus.
Je rappelle que l’association Oliwon Lakarayib (Autour de la Caraïbe en créole martiniquais) a été créée en Septembre 2019 par des professeur.es d’Histoire et/ou de Géographie pour réaliser une plateforme numérique dédiée à la Caraïbe, et proposant des contenus de vulgarisation pour le grand public, en histoire, géographie, sciences humaines et sociales. La plateforme est disponible ici www.oliwonlakarayib.com et les contenus sont disponibles sur tous les réseaux sociaux.
Je n’ai pas la prétention de m’exprimer au nom de tous les professeur.es d’histoire-géographie de Martinique, j’apporte plutôt l’analyse de professeur.es engagé.es au sein d’une association.
- L’ origine des « adaptations des programmes » :
Pour commencer, mettons le pied dans le plat : « en 2020 on apprend encore « Nos ancêtres les Gaulois » en Martinique. C’est FAUX.
Cela a existé par le passé, dans toute la France d’ailleurs, mais ce n’est plus d’actualité. Cette formule, née sous l’école de la Troisième République pour forger le « roman national », a été abondamment critiquée par les historiens, qui dénoncent une fiction sans caractère scientifique.
Aujourd’hui, l’enseignement de l’histoire et de la géographie en Martinique, comprend deux volets : les programmes nationaux d’une part, et des textes de lois que le ministère appelle « adaptation des programmes scolaires en Outre-mer » d’autre part. Il y en a pour tous les Départements et Régions d’Outre-Mer (DROM) de la 6ème à la Terminale. Ce sont des ajouts aux programmes nationaux qui permettent de prendre en compte nos spécificités.
Ces adaptations des programmes existent officiellement depuis les années 2000. Mais bien avant, des générations d’enseignant.es ont enseigné l’histoire et la géographie de la Martinique à leurs élèves. On pourrait en citer beaucoup, beaucoup d’anciens élèves en ont été marqués.
Il faut également rappeler le rôle des associations de professeur.es d’Histoire – Géographie comme l’Association des Professeurs d’Histoire – Géographie de Martinique (APHGM), puis celle des Enseignants de Géographie, d’Histoire et d’Instruction civique (EGHIN), ainsi que de l’Inspectrice Pédagogique Régionale (IPR) Madame Monique BEGOT qui ont œuvré pour obtenir ces adaptations.
D’autres associations existent également telles que le Comité Ti Jo Mauvois ou encore l’Association de recherche et d’études de la Caraïbe (AREC).
Tous ont produit des manuels, des fichiers pédagogiques, des atlas, organisé des colloques ou des concours dans les établissements scolaires.
2. Deux tournants pour l’enseignement de l’histoire en France hexagonale et en outre-mer : la loi Taubira et l’année 2005 :
Le 21 mai 2001 la loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité dite loi Taubira, est promulguée. L’article 2 de cette loi dit que : « Les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l’esclavage la place conséquente qu’ils méritent. »
Ainsi, ces éléments vont être renforcés dans les programmes nationaux. Cela signifie que chaque jeune Français.e, de l’hexagone et de l’outre-mer doit apprendre la traite, l’esclavage, la colonisation et la décolonisation.
De plus, les débats de l’année 2005 sur notamment le projet de loi sur le « rôle positif » de la colonisation ont montré que la question du « fait colonial » et de son enseignement était problématique dans toute la France et qu’il fallait renforcer cet enseignement.
Ainsi, grâce à de nombreux groupes de pression, à la contestation des enseignants et de la majorité de la classe politique, les thèmes « traite, esclavages, colonisation et décolonisation » (Afrique en général et surtout Algérie) ont été renforcés dans le programme national avec la réforme des programmes du collège en 2008 et du Lycée en 2010.
3. Les programmes actuels.
Dans le premier degré, les élèves découvrent l’histoire, le patrimoine et la géographie à travers une approche transversale. Au cycle 3, en CM2 les élèves travaillent précisément sur leur espace proche.
Dans le second degré, les textes en vigueur actuellement concernent le collège et aussi le lycée en classe de Seconde et de Première.
Pour la Terminale, les programmes nationaux seront appliqués pour la première fois en 2020, il faut donc attendre l’écriture de des programmes spécifiques.
En géographie, sur tous les thèmes au programme qui le permettent, il est possible d’adopter une approche à l’échelle de la Martinique, de la Caraïbe ou de la Grande Caraïbe. Il convient donc de s’attarder plus en détails sur l’histoire qui concentre les interrogations.
Alors quelle histoire spécifique est enseignée ici ?
Au collège, tout d’abord :
- En 6ème : Les premiers peuplements des territoires caribéens, le mode de vie des peuples amérindiens.
- En 5ème : on retrace un des voyages de Christophe Colomb (entre 1492 et 1504) Et on présente le processus de prise de possession et de colonisation de nos territoires par les Français en insistant sur les premiers contacts.
- En 4ème : on étudie, la traite, l’esclavage dans le programme national. On ajoute ici, la vie quotidienne des esclavisé.es (habitations, conditions de vie, culture et résistances), la question de la citoyenneté des Libres de couleur ainsi que les débats entre abolitionnistes et esclavagistes à travers l’analyse du siècle des Lumières et de la Révolution Française.
- On insiste sur la révolution haïtienne et ses conséquences qui permettent de comprendre les questions qui se posent à l’époque sur l’esclavage et le processus d’abolition. En étudiant l’industrialisation en Europe, on fait le lien avec l’industrie sucrière au XIXème siècle. On voit aussi le rôle de l’engagisme (chinois et surtout indiens). Et ainsi que les questions sur la citoyenneté des nouveaux libres et le fonctionnement de la société après l’abolition.
- En 3ème : En étudiant les guerres, on voit le rôle des empires coloniaux dans les deux guerres et la participation des colonies (par exemple, les dissidents pour la 2ème guerre mondiale). Plus tard, on voit les débats liés à la départementalisation et le processus de construction européenne et le statut de Région Ultra Périphérique (RUP).
Lien vers les adaptations du collège : Programmes et Adaptations | Site disciplinaire d’Histoire-Géographie
Au lycée général, technologique et professionnel, compte tenu de la Réforme du baccalauréat en cours, les programmes nationaux et d’adaptation ont été réécrits. Je ne m’exprimerai ici que sur le lycée général et technologique.
En seconde et première « les programmes d’adaptations pour l’Outre-mer » seront appliqués à la rentrée 2020 car les programmes nationaux datent de 2019.
Il faut savoir que les inspections régionales d’Histoire-géographie (IPR) d’outre-mer ont été consultées pour des propositions. La Martinique et des professeures du Groupe Recherche et Formation ont été très actives dans ces propositions, relayées par Madame l’Inspectrice Pédagogique Régionale, Frédérique Hannequin.
- En seconde les adaptations sont les suivantes :
En voyant la constitution des empires coloniaux, une étude spécifique est dédiée aux sociétés d’avant la colonisation et les contacts avec le colonisateur entre (XVème – XVIème siècle).
En étudiant l’État à l’époque moderne, le fonctionnement de la monarchie au XVIIème siècle, on veillera à bien mettre en évidence le rôle des compagnies de commerce et de colonisation instruments de l’affirmation du pouvoir royal et de la construction du domaine colonial français.
Plus tard, avec les tensions et crispation de la société d’ordres au XVIIIème siècle on verra également les remises en question de la société coloniale : les résistances et contestations à l’esclavage aux XVIIe et XVIIIe siècles.
- En première générale et technologique :
En étudiant la révolution française, on voit les impacts aux Antilles de la première abolition de l’esclavage, son abrogation, et le cas de Saint-Domingue et la guerre d’indépendance haïtienne. On voit également, la seconde abolition, l’exemple des Antilles (notamment le rôle des femmes dans les insurrections) et la difficile entrée dans l’âge démocratique d’une société post-esclavagiste (les inégalités sociales et de genre, les spécificités du travail).
Puis, avec la IIIème république, on voit les effets aux Antilles et les difficultés de mise en œuvre de ce projet en Martinique et en Guadeloupe (assimilationnisme, cléricalisme, question scolaire et discriminations).
Plus tard en voyant les guerres, on voit aussi, plus en détail, le rôle et les conséquences des guerres aux Antilles.
- En spécialité Histoire géographie, Géopolitique et Sciences Politiques :
Je rappelle qu’il s’agit d’une spécialité, au choix de l’élève de première générale.
Elle permet d’étudier les avancées et reculs des démocraties. En Martinique, on étudiera l’impact de la départementalisation, entre espoirs et réalités.
En travaillant sur les formes de la puissance, on insistera sur la place des territoires ultramarins dans la puissance et en particulier sur l’importance des ZEE et la présence militaire.
En voyant les frontières de l’Union européenne, on fera remarquer que l’Union européenne, par les territoires ultramarins de ses États membres, s’étend à l’échelle planétaire.
Lien vers les adaptations du lycée général technologique et professionnel : https://www.education.gouv.fr/bo/20/Hebdo30/MENE2017994A.htm
On note que le professeur doit associer le programme national à ces ajouts précédemment cités.
Lien vers les programmes nationaux :
https://eduscol.education.fr/histoire-geographie/sinformer/textes-officiels/les-programmes.html
La mise en œuvre repose sur la liberté pédagogique de chaque professeur.
Les textes officiels peuvent permettre à chacun de connaître son histoire en Outre-mer, l’ensemble des adaptations du collège au lycée permettent de couvrir des périodes allant de l’époque pré-colombienne à nos jours. En Géographie, par le changement d’échelles, l’étude régionale et locale est possible.
En plus de l’enseignement dans le cadre de la classe en Histoire et de Géographie, de nombreux établissements proposent des ateliers, des parcours soutenus par la délégation académique aux arts et à la culture (DAAC), des cours spécifiques dédiés à l’histoire de la Martinique et de la Caraïbe. Des concours nationaux sont aussi proposés comme le concours national de la Flamme de l’égalité qui traite de la question de l’esclavage. Le sujet de l’an dernier : Devenir libre. Cf https://www.laflammedelegalite.org/
4. Peut-on faire évoluer ces programmes ?
L’association Oliwon Lakarayib compte faire des propositions de manière officielle aux décideurs académiques et nationaux de l’éducation nationale, mais également aux parlementaires.
5. Les manuels :
On a aussi beaucoup entendu de critiques sur les manuels scolaires et leur utilisation par les professeur.es.
Alors quelques éléments au préalable :
- Le/la professeur. e ne suit pas un manuel pour construire son cours, il/elle se réfère à des programmes. Il/elle est responsable de son parcours didactique.
- Les manuels sont des visions des programmes, ils sont élaborés par des éditeurs et des professeur.es et sont subjectifs. Ils ont des contraintes de nombre de pages, d’illustration etc… De plus, ils sont réalisés dans des délais très courts, entre la publication des programmes et le moment du choix par les équipes pédagogiques. Les équipes choisissent les manuels à un moment où les programmes sont à peine connus. On peut se rendre compte des erreurs, manques, faiblesse d’u manuel scolaire en l’éprouvant.
- Les manuels scolaires sont complétés par les professeurs avec tous les documents disponibles sur d’autres supports (vidéos, sites internet …). Aujourd’hui, les professeur.es peuvent s’appuyer sur de nombreuses ressources à leur disposition. Les manuels sont imparfaits sur tous les thèmes. Il y a des critiques sur d’autres thématiques très hexagonales comme l’étude de l’histoire médiévale ou encore sur l’histoire des femmes.
Tout cela pour dire que ce n’est pas parce que le manuel est imparfait qu’il fausse totalement l’enseignement. Ce n’est pas parce que l’histoire de la Martinique n’est pas dans le manuel national qu’elle n’est pas faite, puisque le professeur enseignera avec d’autres supports.
Il a existé deux manuels Antilles-Guyane d’adaptation des programmes pour le collège et pour le lycée, publiés en 2001 pour la première fois. Ils ont été réalisés à l’initiative de l’inspectrice pédagogique régionale Monique BEGOT et avec la participation de professeur.es de Martinique, Guadeloupe et Guyane.
Il y a aussi eu les cahiers d’activités réalisées pour le primaire, le collège et le lycée et le plus ancien date de 1962 !!
Ceux-ci sont devenus obsolètes avec les évolutions des programmes nationaux. Par ailleurs, les éditeurs s’interrogent aujourd’hui sur leur rentabilité.
Ces manuels et fichiers d’activité pourraient être revus et améliorés. Un projet à mener ? Pourquoi pas ?
Mais compte tenu de l’évolution du métier et des ressources on peut aussi prévoir une version numérique ou des contenus en ligne !
Les archives en ligne, manioc, l’atlas caraïbe, l’histoire par l’image, l’INA …
Il y a aussi le travail récent de notre association Oliwon Lakarayib avec des capsules-vidéos sur des thématiques importantes. Ces productions sont d’ailleurs accessibles au grand public via YouTube et les réseaux sociaux.
Des initiatives existent. Elles peuvent être complétées.
6. Parlons de l’intérêt et de la motivation des jeunes !
Le métier d’enseignant est difficile.
Même s’il y a des élèves intéressés, curieux et motivés, croyez-vous que nos jeunes soient toujours disposés, ouverts et désireux d’apprendre ?
Et vous ? Certaines choses n’ont – elles pas été mieux comprises par vous, une fois adultes ?
Les événements récents auront permis que l’on parle d’histoire et d’enseignement. J’espère qu’ils permettront une prise de conscience des jeunes et moins jeunes.
Bien sûr, on pourra nous rétorquer que des contraintes de services, de temps, de moyens existent. Que les examens peuvent restreindre la mise en œuvre de ces programmes. Mais sachons compter sur des enseignants conscients et engagés. De plus, des évolutions sont possibles et Oliwon Lakarayib sera force de proposition.
Malgré tout, les professeur.es sont en première ligne, ils font découvrir, font réfléchir, répondent aux questions, réagissent à l’actualité, et surtout forment nos jeunes à l’esprit critique.
7. Et la recherche ? L’université ?
On peut étudier l’histoire et la géographie à l’Université des Antilles. Des laboratoires de recherche travaillent sur des thématiques variées (AIHP GEOGE, AREC, LC2S, CRILLASH …) voir le site de l’Université des Antilles.
Cependant, il faut rappeler les difficultés à conserver les étudiant.es en Martinique et en Guadeloupe face aux départs massifs vers l’hexagone.
Comment faire avancer la recherche, la connaissance de nos territoires et de notre histoire si ce n’est en contribuant, soutenant, valorisant cette formation ?
Des docteurs, enseignant.es – chercheur.se.s, professeur.es des Universités, archéologues, des spécialistes de nombreuses thématiques, contribuent à la connaissance et au renouvellement de cette histoire spécifique. En géographie, les questions liées au changement climatique, aux risques mais aussi les approches sociales et culturelles en géographie sont nécessaires pour contribuer au développement de nos territoires.
Par ailleurs, il est évidemment possible d’étudier et de travailler sur ces questions dans des Universités de l’hexagone qui choisissent les Amériques comme terrain de recherche.
À l’heure où l’on parle beaucoup « de décolonisation des esprits », certains nous parlent encore « d’histoire écrite par les chasseurs. » Vraiment ?
C’est refuser de voir l’émergence dans la Caraïbe, d’une histoire sociale et culturelle, avec l’étude des minorités et des groupes sociaux, des résistances ; de l’histoire du genre, celle des femmes ou des ouvriers ; l’étude des circulations et des itinéraires individuels.
Une approche décoloniale existe aussi et permet de réévaluer les événements en les dé – centrant, en sortant de la traditionnelle vision européenne.
En exemple, la série sur « la Caraïbe, laboratoire des abolitions » en quatre vidéos, réalisée par Oliwon Lakarayib :
Des choses se font !
Les sciences humaines progressent et se renouvellent. Des générations y ont contribué et d’autres continuent.
En conclusion, on ne peut pas dire qu’on n’enseigne pas du tout l’histoire de la Martinique. Parler « des ancêtres les Gaulois » en 2020 c’est mentir.
Parmi ceux qui ont été élèves avant 2000, il peut y avoir des situations individuelles, de personnes n’ayant pas étudié une histoire de nos régions car les programmes officiels n’existaient pas. Cependant, comme je l’ai dit, des professeur.es ont réalisé cet enseignement par engagement, sans attendre les programmes.
Aujourd’hui, il est vrai que la focale demeure sur la traite négrière, l’esclavage, la colonisation et la décolonisation entre le collège et le lycée. Des évolutions sont encore possibles.
Cher.es jeunes, cher.es parents, faites-nous confiance. Soutenez-nous ! Nuance, mesure, complexité sont nécessaires aujourd’hui pour comprendre l’histoire de la Martinique. Nous avons besoin d’étudiant.es, chercheur.se.s, en histoire comme en géographie, en particulier dans notre université.
Cher.es collègues professeur.es d’histoire et géographie de la Martinique la balle est dans notre camp. Continuons à expliquer, à nuancer, à former à l’esprit critique. Continuons à nous former et à chercher. Reprenons nos travaux de recherche si nous le pouvons. La connaissance historique est en danger face à une lecture biaisée hermétique et hypercontextualisée de l’histoire.
Cher.es chercheurs.ses, universitaires prenez la parole, exprimez-vous sur vos travaux. Participez aux projets de vulgarisation que l’on vous propose.
Enfin, la connaissance ne s’arrête pas à l’école, elle se poursuit au-delà par l’usage de sources internet ou plus traditionnelles de qualité. Sachons choisir correctement les canaux d’information car sur YouTube beaucoup de pseudo-historiens, spécialistes de tout, « plient l’histoire ».
On n’aura jamais autant parlé d’histoire et de l’enseignement de l’histoire. Sachons y voir l’occasion d’une clarification et de la poursuite des efforts de nos aîné.es.
Elsa JUSTON
Agrégée d’histoire-géographie
Présidente de l’association Oliwon Lakarayib
No responses yet