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Décembre 1959 à la Martinique : 3 nuits d’émeutes à Fort-de-France


Les 20, 21 et 22 décembre 1959, Fort-de-France est en proie à des émeutes populaires qui opposent la population aux forces de l’ordre. 

13 ans après la loi de départementalisation, la situation démographique et le mal-développement expliquent les graves tensions sociales qui secouent l’île. La gestion préfectorale, très souvent désastreuse, avive les tensions. Les crispations socio-raciales sont amplifiées par un exode rural et un chômage endémique de la population foyalaise.

Dimanche 20 décembre. Un banal accident entre un Martiniquais à moto et un automobiliste « métropolitain » déclenche les événements. Les deux hommes, après une courte rixe, décident de prendre un verre en signe d’apaisement. Alors que tout semble être rentré dans l’ordre, 7 CRS débarquent vers 19h30 et se mettent à repousser les personnes présentes sur la Savane. C’est le début d’une bagarre entre la population et les CRS, des bâtiments comme celui de l’Hôtel de l’Europe ou du magasin Roger Albert sont « caillassés » et on compte quelques blessés de part et d’autre. Le calme revient vers 1h du matin. 


Lundi 21 décembre. Dès 9h, des groupes de jeunes se retrouvent sur la savane et vers 18h30, les hostilités recommencent pour de bon quand René PLANCY, plus connu sous le pseudonyme de « Djab an person », conduit des groupes vers le centre -ville. Des édifices sont à nouveau bombardés de pierres et de cocktails molotov. Deux jeunes sont tués à 2 endroits différents de la ville : Christian MARAJO (15 ans) et Edmond Eloi VERONIQUE dit Rosil (20 ans). Ces décès sont imputés à la police qui est prise à partie.  

Le préfet par intérim, Guy BECK, renforce le dispositif de maintien de l’ordre dont il exclut les CRS, rendus responsables des excès de la veille. Des appels au calme sont diffusés et la préfecture interdit les rassemblements. 

Mardi 22 décembre. Dès 9h20, des attroupements se forment sur la savane rapidement dispersés par la police. Pourtant dès 18h30, les émeutes reprennent. Cette fois, ce sont les gendarmes qui sont en première ligne (7 pelotons dont 3 arrivés de Guadeloupe le matin même). Deux commissariats et la perception du Jardin Desclieux sont incendiés. C’est au niveau du Pont Démosthène et du Morne Pichegrin que les affrontements sont les plus durs. Les gendarmes sont attaqués à coups de pierre et ripostent quelquefois en ouvrant le feu. C’est ainsi qu’est touché en plein thorax, le jeune Julien BETZI, apprenti électromécanicien de 19 ans, qui décèdera de ses blessures. 

Le bilan tant matériel qu’humain de ce 3ème jour est lourd. C’est le point culminant des émeutes par le nombre de manifestants et les dégâts occasionnés. 

Le lendemain (mercredi 23 décembre). La préfecture demande que les meneurs soient arrêtés très rapidement. Un couvre-feu est instauré dès 20h à Fort-de-France. L’heure est grave. Le gouvernement se tient informé de la situation d’heure en heure. 

Les émeutiers, sans leader ni revendications véritables, demandent le départ des CRS de la Martinique et que les crimes des 3 jeunes soient punis. Le couvre-feu est respecté ce jour qui consacre la fin des émeutes de décembre 1959. 

Bilan. La ville de Fort-de-France a connu 3 nuits de violences inédites. Trois jeunes ont perdu la vie. 500 à 1500 émeutiers ont été présents dans les rues de la ville. Le rôle du PCM est amplifié et les vieux démons ressurgissent : Cuba et l’URSS sont mentionnés dans plusieurs journaux. Le gouvernement renforce les mesures sur l’île et donne au nouveau préfet, Jean Parsi, des pouvoirs extraordinaires puisque l’ordonnance de 1960 permet d’expulser « tout fonctionnaire dont le comportement est de nature à troubler l’ordre public ». Le vice-recteur, Alain PLENEL, qui a osé imputer la violence des faits au colonialisme français, est la première victime de cette ordonnance. Les CRS sont interdits de stationnement à la Martinique. 

Pour éloigner la jeunesse martiniquaise de l’île, le Service Militaire Adapté ou plan NEMO est mis en place puis le BUMIDOM. Décembre 1959 est considéré comme le moment clé de la prise de conscience nationale. Il entraine la formation de l’OJAM (Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste Martiniquaise) et du Front antillo-Guyanais pour l’autonomie (FAGA), tous deux très vite interdits à la Martinique. 


Bibliographie : 

DUMONT Jacques, l’amère patrie, Histoire des Antilles Françaises, fayard 2010 

PLACIDE Louis-Georges, les émeutes de décembre 1959 à la Martinique, L’Harmattan Décembre 2009 

SAINTON Jean-Pierre, La décolonisation improbable. Cultures politiques et conjonctures en Guadeloupe et en Martinique (1943-1967), Editions Jasor, 2012 

STORA Benjamin, et al. Commission d’information et de recherche historique sur les évènements de décembre 1959 en Martinique, de juin 1962 en Guadeloupe et en Guyane, et de mai 1967 en Guadeloupe. Rapport à madame la Ministre des Outre-mer, [en ligne], 30 octobre 2016. https://fr.calameo.com/read/000886379720261dabe09 


Nadine GUIOSE – LUILET

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